Les poissons ne peuvent vivre que dans l’eau et pourtant depuis la nuit des temps, ils se déplacent beaucoup ! La carpe est un des premiers poissons introduits en France, il y a 2000 ans, par les Romains. Elle a ensuite été disséminée au Moyen Age par les moines. Elle est aujourd’hui très présente dans toute l’Europe.
Il existe environ 1.500 espèces ou sous-espèces de carpes dans le monde.
Le pêcheur qui vient de capturer un poisson à la forme arrondie, bien épaisse, au corps dépourvu d’écailles a bien sûr reconnu la carpe cuir, mais sait-il que ce poisson avait pour ancêtres des animaux venant des affluents de la mer Noire?
La carpe est tellement présente en Europe que durant longtemps on a cru qu’elle existait déjà à l’époque glaciaire. Il faut dire que l’on avait trouvé des fossiles de poissons (en Flandre, en Allemagne ou en Suisse) qui ressemblaient étrangement à des carpes. Or, on s’est rendu compte plus tard que les fossiles en question n’étaient pas ceux de carpes mais d’une autre espèce de poissons à l’aspect voisin.
Les sujets d’un été (dizaine de cm pour 20g) sont nommés feuilles ou seilles, ceux de 2 étés nourrain ou pénard. Carpeau désigne la carpe d’environ 1 kg (+/- 3 étés).
De l’Asie à l’Europe
La carpe est originaire d’Asie Mineure et d’Asie moyenne et a ensuite étendu naturellement son aire de distribution vers l’Est (Chine), le Sud et l’Ouest (bassins de l’Euphrate et du Danube), probablement à la fin de la période post-glaciaire, soit il y a 8.000 à 10.000 ans !
Rapidement on la retrouve de la Turquie au Japon et dans les bassins de la mer Noire, de la Caspienne et de la mer d’Aral. Dans le bassin de l’Amour, elle s’hybride avec d’autres espèces voisines. Sa distribution s’élargit fortement vers le Nord et vers l’Ouest en Europe.
Il semble que ce soient les Romains qui, à partir de l’Asie Mineure, ont importé la carpe en Grèce puis en Italie et en Gaule. Les poissons étaient introduits dans des bassins pour les faire grossir. Dès 800, Charlemagne exigea que chaque fonctionnaire ait des étangs de pisciculture sur ses terres. Mais, c’est surtout entre 1300 et 1500 que l’exploitation des étangs et la pisciculture prirent leur essor.
Les monastères créent et exploitent de nombreux étangs de production de carpes pour les périodes de Carême et aussi parce que la production était plus importante que celle de la viande. En 1500, existaient en Europe occidentale, plus d’étangs qu’il en demeure aujourd’hui. Ces étangs permettaient une meilleure valorisation des sols que les prairies, d’autant qu’ils étaient construits dans des régions peu fertiles. La carpe est introduite en Angleterre en 1514, elle apparaît au Danemark en 1560 et parvient à Saint-Pétersbourg en 1729.
Les progrès de la pisciculture sont lents (les méthodes de contrôle de la reproduction de la carpe n’apparaîtront qu’après 1960), surtout par rapport à ceux de l’agriculture qui connaissent un essor considérable. A partir de 1800, un grand nombre d’étangs sont définitivement asséchés et rendus à l’agriculture. Seuls les sols les plus pauvres sont réservés à la pisciculture.
Les carpes koï sont très à la mode chez les possesseurs de bassins d’agrément, certains sujets sont très recherchés et valent très cher en particulier au Japon.
La conquête du monde
La carpe est actuellement présente dans toute l’Europe sauf en Norvège, dans le nord de l’Angleterre et dans les pays baltes. En Amérique du Nord où la carpe fut importée d’Allemagne en 1877, la situation a évolué de façon totalement différente. Elle apparaît très rapidement en de nombreux endroits et est élevée dans des étangs. Elle envahit les lacs, les rivières mais rencontre des agents de maladie inconnus jusque là en Europe et meurt en grandes quantités vers 1950.
Des poissons sont aussi exportés en Amérique du Sud, en Afrique où elle fait parfois partie des empoissonnements des étangs. En Israel, la carpe fait l’objet d’élevages intensifs avec des productions énormes (plusieurs tonnes à l’hectare). Dans le même temps au Viet-Nam, en Chine, en Thaïlande, en Indonésie et dans d’autres pays asiatiques chauds, se développe une carpiliculture familiale et rustique ; tout agriculteur est peu ou prou, producteur de carpes.
Actuellement, essentiellement en raison de la facilité des transports, la carpe se rencontre partout dans le monde même en Australie où elle est considérée comme nuisible et fait l’objet de destructions massives.
Le nom latin de la carpe Cyprinus carpio, vient du grec Kiprinos désignant la déesse de l’amour Aphrodite ou Vénus, carpio lui, vient de la latinisation du mot allemand Karpfen.
La carpiliculture
La carpiliculture (élevage de la carpe) en Europe centrale dépend des conditions climatiques (température en particulier) et celles-ci n’étant pas très favorables elles sont liées aux progrès techniques de l’élevage et en particulier le contrôle de la reproduction et la sélection. Ainsi en Allemagne, les éleveurs ont sélectionné des variétés de carpes qui grossissent mieux dans leurs eaux fraîches où naturellement la carpe d’origine ne se reproduit, pour cause de températures insuffisantes, qu’une fois tous les 10 ans.
Dans l’Europe du Sud, la carpe est réellement indigène. Ainsi dans le delta du Danube, mais aussi dans les lacs d’inondation de la région, les carpes se reproduisent en énormes quantités. Il faut aussi remarquer que la carpe indigène du Danube (appelée aussi carpe rouleau) est très allongée (rapport longueur/hauteur = 3,4 contre 2 à 2,5 pour les variétés sélectionnées). Sa croissance est aussi bien plus lente : elle atteint 2 kg à 6 ans.
Durée de vie de la carpe: en moyenne 15 ans, jusqu’à 30 ans. Taille: en moyenne 50 cm, jusqu’à 1 m. Poids: en moyenne 5 kg, jusqu’à 37 kg.
La sélection des carpes
La sélection des carpes va se faire selon des critères de croissance et de forme (rapports longueur/hauteur et hauteur/épaisseur). Plus ces rapports sont faibles plus la carpe est intéressante pour le consommateur. Les poisons les plus recherchés ont des indices de hauteur inférieurs à 2,6 et des indices d’épaisseur inférieurs à 1. Ainsi naissent une série de races qui portent le nom de régions d’Europe centrale: carpe miroir* de Galicie, carpes cuir* de Bohême, de Franconie, d’Aischgrund, carpes à écailles de Lautzig, etc.
Ces carpes sélectionnées ne transmettent pas forcément leurs caractéristiques (écaillure, forme, croissance en particulier) à leur descendance et il faut systématiquement opérer des sélections nouvelles par tris. D’autre part les jeunes sujets n’auront une croissance identique à celle des parents dont ils sont issus que s’ils sont placés dans des conditions identiques et favorables.
Néanmoins, la sélection donne lieu à de véritables races, identifiables par l’éleveur et dont certaines portent des noms divers mais constant de véritables références.
LES CARPES CENTENAIRES
Il y a des légendes qui ont la vie dure ! Celle du brochet mangeant sont poids de poissons par jour décrit par Lacépède au XVIII ème, en fait partie, comme celle de la carpe centenaire. Certains ouvrages du siècle dernier publient même des photos de carpes centenaires avec des déformations. Il est délicat de définir l’âge d’un poisson de 20 kilogrammes. Les accidents de la vie (blessure, été frais, dégradation de la qualité des eaux) limitent la fiabilité des études traditionnelles de l’âge des poissons (lecture des écailles par exemple). Disons qu’avec une approximation suffisante un poisson de ce poids a une vingtaine d’années. Ce qui n’est déjà pas si mal pour un animal aquatique.
peche47,
Jeu 29 Déc - 18:07